De Marsabit à Nairobi

La semaine qui vient de se terminer a été pleine d’émotions. Après deux jours sans rouler, j’ai décidé d’attaquer la première journée même si elle consistait en 115 km sur des chemins de gravier – pas aussi horribles que ceux de la semaine précédente, mais quand même assez maganés. La journée a été difficile, mais j’en suis venu à bout en commençant à 6h30 et en finissant à 17h45. Mentalement, c’était plus facile parce que je savais que le lendemain, nous allions enfin rouler sur des routes asphaltées, et ce, pour le reste de notre séjour au Kenya.

Mercredi, journée de 158 km sur routes asphaltées au menu. Tout à fait faisable, même si ça allait lentement au début à cause d’un fort vent de face – quand on rêve d’enfin faire du 24 km/h lorsqu’on sera rendu sur l’asphalte et qu’on roule à 15 km/h en arrivant dessus à cause du vent, on est un peu déçu. Cette émotion est toutefois sans commune mesure avec ce qui allait m’arriver, ainsi qu’à six autres cyclistes, autour du 30e km et dont nous nous serions très bien passés : nous avons été victimes de banditisme armé sur le bord de la route. Pour faire une histoire courte, disons simplement que des coups de feu ont été tirés dans les airs alors que nous étions arrêtés, et que nous nous sommes fait voler divers items par la suite (nous collaborions pleinement avec les bandits, ce qui était la meilleure option dans la situation). Je me suis fait voler de l’argent, des cartes de crédit et des pièces d’identité (j’ai encore mon passeport), mais je n’ai aucune blessure physique, et personne dans le groupe n’a de blessure majeure, alors on s’en est tirés pour une bonne frousse. Suite à cet incident et après que les bandits soient retournés dans les buissons avec leur butin, nous avons roulé une dizaine de kilomètres jusqu’au village suivant pour rapporter l’incident à la police. Nous avons ensuite attendu dans un café, puis nous avons terminé la journée dans un des camions du Tour d’Afrique, avec une escorte militaire. Nous avons appris du National Wildlife Service kenyan que la zone spécifique que nous avons traversée était tout récemment devenue instable à cause d’une famine – des villageois désespérés se seraient convertis au banditisme – mais nous avons été assurés que le reste de la route était sécuritaire. J’insiste sur les faits suivants : Je n’ai pas été blessé. Personne n’a eu de blessure majeure. Nous sommes en pleine sécurité maintenant. Il n’y a pas à s’en faire.

 

Jeudi, la plupart d’entre nous avons jugé que la meilleure option pour se remettre de nos émotions était de recommencer à rouler normalement. Nous avions une petite journée de 71 km, avec environ 1500 m de montées sur 40 km avant le lunch. Le paysage était superbe, alors que nous roulions autour du mont Kenya, et l’après-midi a été des plus agréables alors que nous descendions des côtes récemment repavées (très bel asphalte) avec un fort vent de dos. Je suis arrivé au camp un peu avant midi, et j’ai donc pu profiter de l’après-midi pour relaxer.

Vendredi, nous avons traversé l’équateur à Nanyuki, et nous avons pris des photos à côté de la pancarte disant « This sign is on the equator » et qui est en réalité à quelques dizaines de mètres au Sud de l’équateur selon nos GPS. Les plus geeks d’entre nous avons aussi pris des photos sur le vrai équateur, à 00°00’000’’.

Samedi, nous nous dirigions vers Nairobi, la capitale du Kenya, et nous avons fait seulement la première partie de la route en vélo : l’approche de la ville était trop dangereuse, même en convoi, à cause du trafic très dense et de la construction d’une nouvelle autoroute. Après le lunch, nous sommes donc embarqués dans des camions réservés pour l’occasion, et nous avons parcouru environ 80 km en 2h30. Arrivés à notre camping, nous avons installé nos tentes, puis plusieurs d’entre nous sont allés au centre d’achat tout neuf à environ 500 m du camping. Nous avons pu faire des provisions chez Nakumatt, l’équivalent kenyan des gros Loblaws, qui était le premier supermarché du genre que nous rencontrions depuis Khartoum.

Pour le souper, une vingtaine d’entre nous se sont rendus au restaurant Carnivore, très connu à Nairobi. C’est une churrascaria où on peut manger de la viande à volonté, un peu comme le Milsa à Montréal, mais avec la particularité qu’ils servent aussi du chameau et du crocodile. Ça faisait du bien de se gaver de protéines après presque deux mois de vélo, et nous avons passé une très belle soirée.

Aujourd’hui dimanche, nous en profitons pour se reposer, blogguer, faire notre lavage et autres choses palpitantes. Nous allons rouler lundi et mardi en direction d’Arusha, en Tanzanie, où nous aurons trois jours de repos. Je vous donnerai des nouvelles du safari que je ferai là-bas dans une ou deux semaines.

Note : comme j’ai écrit plus haut, nous sommes en sécurité, et il n’y a pas à s’en faire pour l’incident que nous avons vécu mercredi – les seules pertes que nous avons subies sont matérielles. Si toutefois vous avez des questions/vous inquiétez quand même, n’hésitez pas à me contacter via le blogue ou par courriel. Toutefois, sachez que ça pourrait prendre un certain temps (1-2 semaines) avant que je vous réponde, vu que je n’ai pas accès à internet souvent.

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4 réponses à De Marsabit à Nairobi

  1. Jonathan Sevigny dit :

    En analysant le style d’écriture de ce billet, tu ne sembles pas avoir de eu de blessures psychologiques non plus, ce qui est une très bonne chose… Est-ce que certain cyclistes du groupe envisagent de se procurer une arme à feu pour terminer le voyage ?

    Comme tu aimes la nourriture exotique, je suppose que tu as goûté au chameau et au crocodile ?

    • Pierre-Luc Soucy dit :

      Je crois qu’on a tous eu des blessures psychologiques – c’est dur à éviter dans les circonstances – mais le moral de tous les gens présents est très bon, alors je dirais qu’elles sont relativement mineures. Personne n’envisage de se procurer une arme – ça n’aurait rien changé dans les circonstances de toutes façons; ces gens-là étaient sur leur terrain (buissons) et il aurait été dangereux pour nous de tenter de résister.

      Bien sûr que j’ai goûté au chameau et au crocodile! Le chameau était bon, mais sans plus, alors que j’ai bien aimé la viande de crocodile. Dommage que c’était servi à la fin du repas et que je n’avais plus très faim…

  2. François Savard dit :

    Donc en quelques temps tu:
    – évites de faire un ironman parce que t’es malade (des excuses!) et il fait 40 degrés à l’ombre
    – te fais dépouiller par des bandits/villageois affamés et armés
    – manges du crocodile (probablement fraîchement pêché dans son environnement naturel)
    – prend des photos dans un désert aride avec rien à l’horizon, à l’équateur (exact!), etc.

    Veux-tu bien m’expliquer comment en revenant tu vas endurer plus de 15 minutes de codage PHP sans t’endormir profondément d’ennui? 😛

    Je ne suis pas sûr de la logistique: est-ce que vous faites transporter une partie de votre stock personnel par camion? (sinon se faire voler de l’équipement difficilement remplaçable, ça devient franchement plus problématique)

    J’ai hâte de voir les photos du safari! (Vu la date de ton dernier update, je suppose que les lions et les équipements de communications modernes ne font pas bon ménage, d’une façon ou d’une autre.)

    • Pierre-Luc Soucy dit :

      Bonne question pour le codage PHP! Faudra bien voir à mon retour, mais c’est vrai que la vie assis derrière un bureau est pas mal différente de celle que je mène présentement… Je m’ennuie un peu de la stimulation intellectuelle, par contre, alors j’ose croire que ça ne sera pas si pire au retour. 🙂

      Pour la logistique, chaque cycliste a en effet un casier dans un des deux gros camions (overlanders) qui nous accompagnent. On y met notre tente, notre linge de rechange, sac de couchage, matelas de sol, pièces de rechange pour le vélo… les casiers ont un volume de 250 litres environ, et ce n’est pas de trop. Si on devait transporter tout notre équipement sur le vélo, il faudrait s’organiser très différemment. Certains le font (on en a croisé une demi-douzaine à date), mais je suis bien content d’avoir mon casier, même si je le trouve un peu petit…

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